Après avoir été l'incarnation du bas-bleu, Simone de Beauvoir passera-t-elle à la postérité en modèle de grande amoureuse ? Il y a quatorze ans paraissaient, outre son Journal de guerre, deux volumes de Lettres à Sartre, somme toute conjugales. Il y a sept ans, c'étaient les tendres Lettres à Nelson Algren, l'amant américain. Coïncidant presque avec l'anniversaire de sa mort, le 14 avril 1986, à 78 ans, voici sa Correspondance avec Jacques-Laurent Bost, le «petit Bost».
Une correspondance croisée. Les lettres de Sartre ont été publiées séparément, celles d'Algren sont restées inédites faute d'autorisation des héritiers. Bost, mort le 21 septembre 1990, à 74 ans, avait gardé les lettres de Simone de Beauvoir avant et pendant la guerre, du moins celles qui n'ont pas disparu en mai 1940 : il les a remises à Sylvie Le Bon de Beauvoir, la fille adoptive de l'écrivain. C'est à elle qu'on doit ces visages renouvelés du Castor, plus ouverts, plus expressifs, plus sentimentaux, bref, plus sympathiques, diront certains. En tout cas, plus romanesques.
Elle enseigne la philosophie au lycée, il est étudiant. «Beaucoup plus jeune que moi, il avait été l'élève de Sartre, qui l'aimait énormément.» Beauvoir devait plus tard, à Algren, présenter Bost en ces termes. Elle a 30 ans, il en a 22, lorsque, une nuit de juillet 1938, dans une grange, à Tignes, elle couche avec lui, ainsi qu'elle l'écrit aussitôt à Sartre «naturellement, c'est moi qui le lui ai proposé.» C'est du vrai, du bel amour, e