«On ne devrait jamais rien raconter» sont les six premiers mots du roman de Javier Marias, né à Madrid en 1951 et dont huit livres ont déjà été traduits chez Rivages avant que Gallimard ne publie ce premier volume de Ton visage demain, sous-titré Fièvre et lance, ces deux substantifs étant les titres respectifs des deux parties. La deuxième phrase est : «Raconter c’est presque toujours faire un cadeau, même quand ce qu’on raconte contient et injecte du poison, c’est aussi tisser un lien et accorder sa confiance, et rare est la confiance qui n’est pas trahie tôt ou tard, rare est le lien qui ne s’emmêle pas ou ne fait pas de noeuds, et alors il finit par être trop serré et il faut tirer son couteau pour le trancher net.» Tous les livres de Javier Marias sont très narratifs, et aussi pleins de commentaires sur ce qu’est le narratif qu’on pourrait croire disjoints de la narration et qui se révèlent faire partie de l’intrigue même. Le narrateur de Ton visage demain apparaissait déjà dans le Roman d’Oxford, le deuxième roman de l’auteur, et on apprend ici comme son père a été trahi par un proche durant la guerre d’Espagne, celle-ci, ainsi que la Seconde Guerre mondiale, étant les éléments centraux de ce roman pourtant on ne peut plus contemporain. Le destin de ce père est emblématique du livre dont il explique le titre au premier abord énigmatique. «Comment peut-on ne pas voir sur une durée si longue que celui qui finira et finit par nous perdre nous perdra ? (...) Comment puis-j
Les grandes oreilles de Marias
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par Mathieu Lindon
publié le 29 avril 2004 à 0h24
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