Marc Bloch et Lucien Febvre n'ont pas seulement laissé une oeuvre importante comme historiens. Ils sont également les fondateurs en 1929 de la plus importante revue d'histoire en langue française, les Annales. Les Annales ont eu, ont encore, une importance considérable car, en réaction contre une histoire positiviste surtout préoccupée des règles de la méthode historique, elles ont ouvert tôt dans le siècle la discipline au grand vent des sciences sociales avec leur souci de comparatisme et de généralisation, imposant l'idée que l'historien doit résoudre des problèmes et que son vrai talent est de trouver les bons.
Le premier volume de cette correspondance, dont voici dix ans Michelle Perrot avait rendu compte dans Libération (17 novembre 1994), portait sur les années de création de la revue. Les deux autres volumes couvrent les années 1934 à 1944, période dramatique car marquée par des tensions personnelles croissantes entre les deux hommes, sur fond de crises politiques en France et en Europe. Il est significatif, comme le souligne Bertrand Müller, que l'actualité ne fait irruption dans ces lettres qu'à partir de février 1934, événement traumatique pour ces deux historiens viscéralement de gauche et antifascistes, confrontés à l'affaiblissement progressif de la république. Cette emprise du présent, dont ils ont voulu faire également une marque de fabrique des Annales, ne quitte plus désormais leur correspondance qui s'achève de façon poignante avec la mort de Marc Bloch, en