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Critique

Schwarzenbach, label androgyne

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Une biographie d'Annemarie Schwarzenbach, comète des lettres helvétiques, icône de l'élégance décavée et saphique de l'Europe des années trente.
publié le 6 mai 2004 à 0h30

Amantes, amours, amis, tous ont parlé de son visage. De sa beauté insondable, masculine et féminine à la fois plus que simplement androgyne, de sa tristesse qui est chez Annemarie Schwarzenbach l'expression la plus juste de la quête qui occupa sa vie faite de rencontres et de voyages, cette quête de «la vallée heureuse» pour reprendre le titre d'un de ses beaux livres. Son visage dit cela. Son oeuvre commence avec son visage qui en condense le mystère. Il lui ressemble, il la résume, il en est l'incipit et le point d'orgue.

Tous (amantes, amours, etc.) l'ont photographié. Et pas seulement son visage mais aussi son corps effilé de 1,76 m, promenant au bout du monde des tenues soignées. La grâce au service de la photogénie mais tout autant de la photographie, car Annemarie Schwarzenbach fut aussi photographe. «Une photographie n'est vraiment bonne que quand son message saute littéralement aux yeux de celui qui la regarde», note-t-elle alors qu'elle parcourt les Etats-Unis en compagnie d'une femme aimée, la photographe Barbara Wright. Le visage photographié d'Annemarie Schwarzenbach ravage les yeux de celui qui le regarde.

En 1932, dans son studio berlinois, la photographe Marianne Breslauer, élève de Man Ray, éclaire de côté ce visage, le faisant passer de l'obscur au clair, déclinant avec tact son ambiguïté. L'année suivante, ce portrait (voir-ci contre) occupe toute la couverture du Zürcher Illustrierte, un hebdomadaire zurichois dirigé par Arnord Kübler, qui explique avoir l'