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Libération
Critique

Cobaye céleste

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La drogue, les rêves, la Chine. Les vingt dernières années d'Henri Michaux rangées dans la Pléiade.
publié le 13 mai 2004 à 0h36

Contrairement à Saint-John Perse ou à René Char, Henri Michaux ne voulut pas entrer dans la Pléiade. Le 17 janvier 1984, il refuse de nouveau la proposition de Claude Gallimard. Sa lettre résume son attitude obstinée face au passé, face à l'avenir. D'une part, la Pléiade «ferait de moi définitivement un professionnel au lieu de l'amateur que je préfère être et demeurer». D'autre part, «il s'agit dans les volumes de cette prestigieuse collection d'un véritable dossier où l'on se trouve enfermé, une des impressions les plus odieuses que je puisse avoir et contre laquelle j'ai lutté toute ma vie durant». Enfin, «me libérer d'une quantité de pages d'autrefois, retrancher, réduire au lieu de rassembler, voilà quel serait mon idéal, au lieu de l'étalement de tous mes textes, qui à coup sûr me dégoûterait et à brève échéance me paralyserait».

Puis il meurt, à 85 ans, le 19 octobre 1984. Un malaise cardiaque le saisit tandis qu'il peint une huile. L'incinération qu'il exigeait attendra cinq jours ; les croque-morts sont en grève ; un incinérateur du Père-Lachaise est en panne. Il ne voulait pas de fleurs ; il y aura quand même une gerbe. Son vieil ami Cioran est présent à l'heure du feu. Quatorze ans plus tard, le premier volume de ses oeuvres complètes, par ordre chronologique, est publié en Pléiade. Même d'un très joli marbre, le tombeau finit toujours par gagner.

Le troisième et dernier volume de l'édition paraît aujourd'hui. Il court des années soixante à la mort. Michaux est deve