«Quand on lit Chesterton, on se sent submergé par une extraordinaire impression de bonheur. Sa prose est le contraire d'académique : elle est joyeuse», écrit Alberto Manguel en postface à ce recueil de 59 essais choisis dans différents volumes du prolixe écrivain anglais, essayiste, nouvelliste et romancier, né en 1874 et mort en 1936. Antifasciste forcené, Chesterton se permit, raconte Alberto Manguel, des plaisanteries qu'il n'aurait pas dû sur les juifs, de même que sa vision de l'émancipation féminine perd de son humour à être prononcée en pleine répression des suffragettes : «Vingt millions de jeunes femmes se dressèrent en criant : On ne nous dictera pas [notre conduite], et entreprirent de devenir sténographes.» Catholique militant, le créateur d'Un nommé Jeudi et des extravagantes aventures policières du Père Brown était pour la liberté de tous. Il avait manifestement le plus grand plaisir à défendre n'importe quelle opinion, pourvu qu'il y crût un moment et qu'on ne soit pas nombreux dans son camp. Dans le Club des métiers bizarres, il imagine des êtres dont la profession est de protéger les autres des «crampons». Dans ce recueil, un essai lui voit prendre la «Défense des raseurs». «De nos jours, l'opinion universelle, ou quasi universelle, veut que le péché impardonnable soit d'être un raseur. C'est une grave erreur. Si cette horrible phraséologie doit être vraiment employée, on peut sans se tromper dire que le péché impardonnable, c'est de se barber.»
Les philanthr