Historien, spécialiste de la colonisation latino-américaine et du métissage, Serge Gruzinski est directeur de recherches au CNRS et directeur d'études à l'EHESS. Avant les Quatre Parties du monde. Histoire d'une mondialisation, il a publié notamment la Colonisation de l'imaginaire (Gallimard, 1988), la Guerre des images : de Christophe Colomb à Blade Runner, 1492-2019 (Fayard, 1989), la Pensée métisse (Fayard, 1999).
Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
A côté des raisons scientifiques, le déclencheur a été pour moi une grande fête religieuse à laquelle j'ai assisté, à Belém en Amazonie, un mois après le 11 septembre 2001. Dans les rues de cette métropole brésilienne, deux millions de personnes ont imploré la Vierge pendant deux jours afin qu'elle ramène la paix sur terre. C'était la manifestation, apparemment archaïque, d'un catholicisme colonial venu d'une autre époque qui ripostait à quelque chose d'absolument moderne, le drame des Twin Towers. Cela montrait que le monopole de la protestation symbolique n'était pas uniquement aux mains des terroristes. En tant qu'historien, je devais essayer de comprendre d'où venait cette riposte brésilienne à l'événement planétaire qui avait secoué le monde entier.
Comment êtes-vous devenu un historien du monde latino-américain ?
A vingt ans, en 1970, j'ai été fasciné par les films de Glauber Rocha. Je faisais des études à l'Ecole nationale des chartes, une institution qui ne prédispose guère à se lancer vers des horizons latino-américains.