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Libération

Mémoires d'outre-monde

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Pour décrire la mondialisation ibérique du XVIe siècle, l'historien Serge Gruzinski délaisse le point de vue européen.
publié le 20 mai 2004 à 0h42

En traversant les mers pour essaimer dans les terres et parmi les peuples des quatre continents alors connus, les Espagnols ont donné un nom au globe qui lui va encore bien, el mundo, et en ont cousu les pièces, plus ou moins disjointes, selon un patron latin et chrétien. A cette première mondialisation occidentale ­ l'islam avait déjà fait la sienne ­, Serge Gruzinski vient de consacrer les Quatre Parties du monde, un ouvrage hors normes. Il détonne en effet dans un paysage historique français cantonné de plus en plus dans ses frontières hexagonales. Gruzinski, qui partage sans complexe les larges horizons des Word-studies anglo-saxonnes, n'hésite pas à franchir les océans. Ajoutant même au scandale, il peut hybrider méthodes et écritures, alternant les vues d'en haut et les grandes synthèses avec les histoires de vie, suivant les hommes dans le feu de l'action et dans leur quotidien, avec, parfois, des percées vertigineuses en leur for intérieur. Cependant, Gruzinzki innove vraiment quand, pour étudier la mondialisation ibérique, il décentre le point d'observation. Aussi son histoire est-elle écrite non pas à partir de l'Europe mais de sa destination : le Mexique, le Brésil, les côtes de l'Inde, du Japon ou de l'Afrique... La perspective historique en est proprement bouleversée, d'autant plus que les Quatre Parties du monde ne cessent de solliciter l'imaginaire du lecteur avec le jeu d'une iconographie très riche qui ­ se combinant dans une dialectique subtile avec le text