Cet ouvrage n'a qu'un défaut : il est trop lourd. Aussi interdit-il toute lecture affalée et toute «prise en main» : il requiert une surface d'appui, un plateau, une bonne table. Mais ce n'est pas plus mal. Livre de l'accueil, il doit en effet être lui-même accueilli : avant de le recevoir, il faut se demander comment on va le traiter, comment on va dresser la table, où on l'installe, etc. comme on le fait pour un invité. Une chose est sûre cependant : on ne regrettera jamais d'avoir «convié à sa table» un tel hôte. Le Livre de l'hospitalité, qu'offre Alain Montandon au nom de ses quatre-vingts collaborateurs français et étrangers, est une «venue» merveilleuse, une somme en «poupée russe» qui, ni dictionnaire raisonné ni encyclopédie, ouvre la lecture à des espaces infinis, comme peuvent être infinies, chuchotées, criées, rieuses, les conversations nocturnes entre amis.
Du «bel arc-en-ciel de l'hospitalité», comme disait Edmond Jabès, il serait évidemment vain de vouloir reproduire ou isoler les couleurs. Lorsque Ulysse en ses périples aborde un nouveau rivage, il se pose toujours la même question : «Vais-je trouver des brutes, des sauvages sans justice ou des hommes hospitaliers, craignant les dieux ?» De fait, rappelle d'emblée Alain Montandon, «l'hospitalité est signe de civilisation et d'humanité, et les pérégrinations d'Ulysse dressent une géographie imaginaire du monde humain, elles dessinent les contours et marquent les limites de la culture et de la nature, du civil