Quand un peintre se met à écrire, on se dit ouh là là, tant est puissant le préjugé selon lequel les peintres ne savent pas écrire ou écrivent mal ; tout juste s'ils savent parler, occupés qu'ils sont à mélanger leurs pigments, à brandir leurs couteaux et à jouer du pinceau. Comment ne pas s'étonner alors, en ouvrant le gros volume renfermant Tout l'OEuvre roman de Jean Le Gac, soit la totalité de ses textes rédigés entre 1968 et 2003 ?
Surprise parce que la lecture en est savoureuse. La phrase est fluide, le verbe discret, l'incise judicieuse et la métaphore rare. Voici son programme : «Je suis un peintre furtif que l'on expose plus facilement dans le couloir que dans la salle principale. Aussi, il m'est nécessaire de faire court. J'écris dans ma langue maternelle qui sera doublée en anglais ou en bantou s'il le faut pour ne pas en limiter la portée.» Faire court ne signifie pas bâcler. 430 pages dans un grand format presque carré, ça fait quantité de phrases. Peut-être est-il le premier peintre champion en graphomanie. Mais ses textes ont un statut particulier. Ils ne sont pas écrits en marge de son activité artistique, ils en font au contraire partie intégrante.
Ses oeuvres ne sont ni des tableaux ni des installations. Le plus souvent, elles se présentent sous la forme d'un triptyque. L'ensemble se compose d'un dessin, de photographies et d'un texte. L'intérêt provient de l'instabilité que ces trois éléments entretiennent les uns avec les autres. Le texte n'est le commentai