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Libération
Critique

Hymne à la Joyce

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«Ulysse» revient: nouvelle traduction, à plusieurs voix, du texte fondateur de la modernité littéraire.
publié le 10 juin 2004 à 0h59

"Paris se réveille crûment, lumière du soleil brutale sur ses rues citron. Moiteur moelleuse des fars, brumes vert-rainette de l'absinthe, l'encens des matines, fleuretant avec l'atmosphère. Un jet de vapeur de café jaillit du chaudron bruni. Elle me sert quand il fait signe. (...) Il est irlandais. Hollandais ? Non, fromage. Deux Irlandais, nous, Irlande, vous savez ? Ah, oui ! Elle pensait que vous vouliez du fromage hollandais.» Paris n'est pas exactement au centre d'Ulysse, comme chacun sait c'est plutôt Dublin, mais la ville est pourtant présente à l'arrière-plan du roman. James Joyce y a écrit une bonne partie d'Ulysse, l'édition originale en anglais y a été publiée en 1922. Et, bien sûr, la première édition française, en 1929. Soixante-quinze ans plus tard, la deuxième traduction d'Ulysse sort aujourd'hui à Paris. A une date symbolique : le centenaire du «Bloomsday» (1), le 16 juin 1904, journée pendant laquelle se déroule le roman.

Cette nouvelle entreprise n'avait pourtant pas démarré sous les meilleurs auspices : en plus des crispations habituelles autour d'un monument de la littérature, il y avait le souvenir du climat exécrable de la première traduction, le parrainage hautement ambivalent de l'héritier de l'auteur (voir encadré) et un certain scepticisme : pourquoi remplacer une traduction ayant reçu l'imprimatur de l'auteur lui-même ? De l'avis général, y compris celui de Jacques Aubert, spécialiste français de Joyce (2) et coordinateur de cette traduction (3), A