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Libération
Critique

Islam, portraits croisés

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Goody montre ce que l'Europe doit à l'islam, et Redissi son refus de la modernité.
publié le 10 juin 2004 à 0h59

Deux livres, parmi d'autres, viennent éclairer le «moment» actuel de l'islam sous une lumière fort contrastée, l'un de l'intérieur l'autre de l'extérieur. Cependant le jugement le plus optimiste ou le moins désespéré n'est pas forcément porté par qui on s'attendrait. Les rôles semblent même inversés. Dans l'Islam et l'Europe, Jack Goody, le grand anthropologue britannique et professeur émérite à l'université de Cambridge, entend montrer que la civilisation islamique fait partie intégrante de l'histoire et de l'identité de l'Europe, bien loin de l'altérité irréductible qu'on veut lui faire figurer ou qu'elle-même affecte parfois d'endosser. Avec l'Exception islamique, Hamadi Redissi, professeur à l'université de Tunis, prend le parti contraire. La grandeur de l'islam, c'est du passé : il est grand temps d'arrêter de le ressasser si, finalement, cela ne sert qu'à cacher les misères du présent, qui trouvent leur origine dans la (con)fusion entre la religion et le politique, bref dans le système théologico-politique régissant peu ou prou toutes les sociétés musulmanes. Après le 11 septembre 2001, les deux démarches sont, chacune à leur manière, courageuses. En anthropologue, Goody entend minorer les différences comme gage d'ouverture et de respect de l'autre ; en philosophe, Redissi en rajouterait même dans l'autocritique si cela servait à réduire la fracture douloureuse que représente pour lui l'exception islamique, et guérir un islam malade de la modernité elle-même.

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