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Libération
Critique

Les canons de la baronne

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Deux biographies, l'une savante, l'autre plus personnelle, de Karen Blixen.
par Sylvie CASTER
publié le 10 juin 2004 à 0h59

«J'ai possédé une ferme en Afri-que au pied du Nnong. La ligne de l'Equateur passait dans les montagnes à vingt-cinq mil-les au Nord, mais nous étions à deux mille mètres d'altitude. Au milieu de la journée, nous avions l'impression d'être tout près du soleil, alors que les après-midi et les soirées étaient frais et les nuits froides.» C'est comme cela que Karen Blixen a commencé la Ferme africaine, son livre le plus célèbre, son best.

La ferme, l 'Afrique, ce froid, cette proximité du soleil, tout de suite, on y est. Après, le livre n'a plus qu'à se dérouler tout seul. D'ailleurs, il se déroule tout seul comme une ample chronique de l'Afrique, au temps où elle était encore une colonie britannique.

Il ne manque pas grand-chose dans cette Afrique écrite par Karen Blixen, émigrante danoise, baronne Blixen, qui est arrivée en janvier 1914 et qui s'est installée sur ces hauteurs avec son mari, à ces deux mille mètres d'altitude, pour y posséder une ferme et des plantations de café. II y a les Kikuyus dans leurs huttes, la réserve des Masais, les fêtes somalies, l'air brûlant à midi, le ciel avec ses bleus profonds, la couleur de la terre et les portraits précis des «indigènes», saisis sur le vif, dans leur noblesse.

Dans ce livre publié en 1934, on bute sur les expressions «mes gens», «mes indigènes», «les nègres», les formules «au contact des nègres» qu'elle utilise et qui ont l'air de ne nullement la gêner et qui viennent comme avec naturel sous sa plume. On tique sur sa ferme où