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Libération
Critique

Salut l'autiste.

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Pennequin, qui a sa conscience contre lui, n'hésite pas à se couper la parole.
publié le 10 juin 2004 à 0h59

Vaut-il mieux commencer par rappeler qu'une mogette est un haricot blanc ou qu'il faut être deux pour monologuer, un qui écoute et l'autre qui parle, un dedans et l'autre dehors ? Deux en un, afin de pouvoir, comme le remarquent G. C. Lichtenberg et Dominique Fourcade en exergue de Mon binôme, 1) se couper soi-même la parole et 2) avoir sa conscience contre soi. Dans tous les cas quelque chose pète, ça fait rire et puis jaune aussi, car le narrateur de Pennequin n'a ni dedans ni dehors (c'était déjà le sujet de Dedans, Al Dante, 1999), ça parle de la viscosité de l'être, «je parle dedans ma bouche, ma bouche est tout au fond», mais cela, on ne s'en aperçoit que si «quelqu'un y passe sa langue doucement». On pourrait signaler aussi qu'un binôme est un coéquipier dans le jargon des militaires, ça tombe bien vu qu'il y a ici un adjudant, un colonel, et que Pennequin est gendarme de son état. Redire enfin comment Sartre a noté dans l'Etre et le néant qu'«une bonne partie de notre vie se passe à boucher les trous», éventuellement s'y reporter (quatrième partie, II, 3) quand le (s) narrateur (s) de Mon binôme essaie (nt) d'obturer Annabel Mogette, pas celle qui était morte, celle-là, c'est plutôt lui creuser des trous qu'il faudrait.

Car il y a deux Annabel comme il y a deux narrateurs, ou alors un seul bifide avec un obscur objet du désir, à moins qu'il ne s'agisse de sa mère ­ Dali l'a peint en 1929, l'Enigme du désir : ma mère, ma mère, ma mère. Or la mère, c'est un peu un Autre