Quand les philosophes abordent la question du sujet, on ne voit pas tout de suite quel est le sujet de la question. Il est vrai que le terme est déjà ambigu dans le langage courant. On le dit s'opposer à objet, mais le sujet de la discussion n'est pas autre chose que son objet, et si on demande à quelqu'un à quel sujet il vient vous voir, c'est l'objet de sa démarche qu'on veut savoir. Il n'est guère que la grammaire qui tente de le rendre clair, en lui faisant régir le verbe, mais, dès que celui-ci est réfléchi, de nouveau la réflexion s'embrume, car si «je me lave» je vois bien que «je» suis à la fois laveur et lavé, sujet et objet, tandis que, si «je me promène», j'ai plus de mal à distinguer un promeneur et un promené. Et si jamais «il pleut», on se décarcasserait à chercher «qui» fait «quoi». En philosophie, les choses ne sont pas plus nettes. Dès qu'on tire le fil du «sujet», c'est tout le pull-over qui vient, la «substance première», la conscience de soi, la subjectivité, le je, le moi, l'ego, l'ipséité, le sujet de droits, le cogito cartésien, le «je pense» kantien, le sujet empirique, le sujet transcendantal, etc. Aussi comprend-on qu'à vouloir pourchasser cette notion, on parcourrait l'histoire et la géographie de la philosophie, en tous ses domaines, gnoséologiques, politiques, esthétiques, moraux, juridiques...
Au XXe siècle, la «question du sujet» a connu une telle exacerbation qu'elle est devenue la question centrale, et donné lieu aux plus âpres débats. C'est s