Eli S. a la tête de l'emploi. Une tête aussi pleine que bien faite. Son emploi ? Prof de philo. Né en France, ce fils de boucher d'Oran est un pur produit de l'intégration à la française. Habite à Belleville et enseigne en banlieue parisienne. Un type tranquille qui aime les anisettes et les fenouils de chez Maurice, jouer au rami avec Chahida, la patronne du café, en face du lycée. Et puis, un jour, une remarque sur son physique. «Evidemment que j'ai une tête de feuj ! Tu crois qu'avec mon profil je vais pouvoir me faire passer pour un Suédois ? Si le Vél' d'hiv recommence, personne ne me demandera de baisser mon caleçon pour vérifier que je fais partie de la famille.» Ensuite, ce sera un cours sur Rousseau qui le fera réfléchir. Devant l'incompréhension de la classe face aux notions d'association ou d'intérêt général, le héros s'interroge. Le modèle républicain ne parle pas à ses «jeunes de banlieue», et aussi «la France de demain». La coercition ne marche plus. Les élèves ne peuvent obéir à ce qu'ils ne saisissent pas. L'intégration, telle qu'elle fut conçue dans son fantasme d'unité jacobine, ne doit-elle pas être repensée ? Ne masquait-elle pas au fond une incapacité à accepter l'altérité ? Que vaut-elle lorsqu'un proviseur vous dit : «On vous aime bien, monsieur S., vous êtes comme l'un des nôtres» ?
Le troisième livre de Sebban raconte le cheminement d'un homme condamné à errer dans son identité complexe : français, juif, d'Orient, d'Occident, moderne, traditionnel, il