Lui s'intéresserait aux nuits blanches des éditeurs les entendrait et pas les moindres pleurer : traduire est impossible, c'est long, c'est coûteux, ce n'est pas rentable. J'en connais qui depuis dix ans traînent sur des projets de traduction qu'ils n'ont pas osé refuser et qu'ils n'ont pas le courage d'achever. Voici en tout cas un éditeur un «tout petit» qui vient de publier en français, et fort bien, «le» Dover, déjà classique, encore récent. La Pensée sauvage à Grenoble, avec Alain Geoffroy et Suzanne Saïd (excellente traductrice) se sont attelés à la tâche. Et ils ont parfaitement réussi. A méditer pour tous ceux qui voudraient réfléchir sur les destins à venir de l'édition «savante».
L'ouvrage de Dover aura ici le même succès qu'il a rencontré en Angleterre et aux Etats-Unis. Tant mieux. A pleines mains, il offre les plaisirs de l'érudition ; ils sont, plus d'une fois, imprévus. Il est d'une grande alacrité intellectuelle, et souvent d'une imperturbable drôlerie : amoralisme acide, savant et oxfordien de la pensée, méticulosité indéfinie pour ressaisir, à travers des textes douteux et quelques tessons de musée, la vivacité d'une main entre deux cuisses ou la douceur d'un baiser vieux de deux millénaires et demi. L'ouvrage, surtout, est nouveau grâce à la documentation mise en oeuvre et à l'usage qu'il en fait. Il entrecroise avec une extrême rigueur les textes et les données iconographiques. C'est que les Grecs, à l'âge classique, en ont montré plus qu'ils n'en