Au moment de la création de Libé, Foucault, sollicité, propose une chronique de la mémoire ouvrière une rubrique sur l'histoire des luttes à partir des matériaux produits par leurs acteurs. Donner à lire le savoir politique de chacune des luttes locales. Cette proposition du philosophe ne fut pas reprise ; fallait-il qu'elle le soit ? Il s'agissait en effet moins d'un projet programmatique que d'une occasion alors d'expliciter ce qu'avait été le but du Groupe d'information sur les prisons, le GIP, né fin 1970 et qui s'était achevé en décembre 1972.
Faire savoir, non communiquer Foucault était bien loin de ce régime de discours mais recueillir des expériences individuelles qui constituent collectivement un ensemble de connaissances utiles non seulement à penser notre présent mais à agir sur lui. Faire des intellectuels des transmetteurs et des émetteurs d'idées. C'est cette fonction qu'il s'assigna qui donne le désir de devenir historien. Faire l'histoire des résistances individuelles et collectives du passé non pour elles-mêmes, non pour «éclairer» notre présent, mais pour fournir des armes possibles aux luttes d'aujourd'hui.
C'est bien ce souci de passeur qui nous encouragea avec Michelle Zancarini et Laurent Quero à publier un ensemble d'archives du GIP. Ces papiers, à trente ans de distance, étaient porteurs d'une formidable actualité ; les questionnaires, les enquêtes sur tel ou tel événement, les recueils d'écrits autobiographiques et de correspondances, tous ces do