Il me faut distinguer entre la manière de penser et la pensée. S'agissant de la première, je dois reconnaître la permanence d'une influence, et dire ma gratitude. Pour ce qui est de la seconde, le recul du temps appelle et renforce une prise de distance déjà effectuée pour moi de son vivant.
La force initiatique de ma rencontre avec Foucault vint d'un véritable moment de «philosophie politique de terrain», la création du Groupe d'information des prisons (GIP). Le GIP fut l'occasion de démontrer qu'une pratique politique de nature intrinsèquement démocratique pouvait se révéler plus subversive, mieux servir la «cause du peuple» que la logomachie révolutionnaire de l'époque. La méthode était simple : elle consistait à distribuer des questionnaires à l'entrée des prisons plutôt que des tracts à la sortie des usines. Il ne s'agissait pas d'inculquer aux gens un savoir qui leur manquait mais de faire valoir leur savoir sur le fonctionnement d'une institution afin que ses responsables se trouvent dans l'obligation de rendre des comptes sur leur gestion. Pratique banale de journalisme ? Oui, à ceci près que pilotée par un maître d'oeuvre capable de faire tourner la relation entre savoir et pouvoir de manière que chaque terme serve à interpeller l'autre : savoir comment marche ce pouvoir ; ce qu'il produit. Mais aussi d'où il vient, quel est le savoir qui le fonde. Ces questions se trouvent toujours au coeur de mes enquêtes. Voilà pour l'élan reçu.
Et pour la théorie, qu'apporte le re