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Libération

Les pièges du sexe

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Foucault. Héritages. Comment travaille aujourd'hui la pensée de Foucault ? Les réponses d'une juriste, d'un psychanalyste, de philosophes, sociologues et historiens, jeunes chercheurs et compagnons de route.
publié le 19 juin 2004 à 1h07

Je me souviens encore de l'effroi avec lequel j'ai lu pour la première fois la Volonté de savoir. Nourrie de mes lectures de Wilhelm Reich, très populaire dans l'Argentine du début des années 80, je n'oublierai jamais l'offense que j'ai ressentie lorsque j'ai cru comprendre que mes idées sur la libération sexuelle me rendaient aux yeux de Michel Foucault aussi «victorienne» qu'une reine anglaise. Ce nouvel évangile de la libération n'était donc que la meilleure manière de reconduire ce royaume du sexe dans lequel l'Occident s'était si fortement investi depuis des siècles ? Je croyais comprendre que l'au-delà du sexe qu'il nous indiquait était, en substance, un ensemble de plaisirs moins grandiloquent, plus modeste, dans lequel nous cesserions de mettre en jeu notre subjectivité. Séparer les plaisirs sexuels de leur longue complicité avec nos manières de devenir sujets, les dissoudre à nouveau dans les arts de l'existence, les esthétiser, en somme, pour mieux les banaliser... Dans le fond, je n'en ai pas cru un mot. Je pensais qu'il s'agissait d'une pure coquetterie, qu'il était impossible de prendre au sérieux de telles considérations.

Mais, lorsque, plus de dix ans après, je commençais à travailler sur les transformations juridiques par lesquelles nous sommes entrés, à la fin des années 70, dans notre «modernité sexuelle», j'eus le triste sentiment de comprendre soudain qu'on avait fait exactement ce que Foucault essayait de nous avertir de ne pas faire. A force de vouloir «