Un livre est un objet et lire peut être un plaisir palpable, voire palpeur, de l'ordre de la palpation et de la palpitation, de cette palpation qui relie la main à l'oeil, et cette palpitation qui fait monter du coeur (le palpitant) le rythme du sang jusqu'au crâne, et plus, si affinités, s'il nous offre, le livre, un peu mieux qu'une pâle pitance. Les volumes de la collection «Quarto» de Gallimard sont de ceux que l'on palpe, soupèse, on dit en anglais qu'ils ont le dos de papier, ils font le dos rond, coulent sous la main, pèsent bon poids, valent plus que ce qu'ils coûtent, ce sont des livres de grandes poches, des livres de sacs à dos, sobres comme des chameaux, véhicules de grande autonomie, on traverse des déserts sans les épuiser, réserves infinies de lectures, ils nous ménagent des plages plus longues que les plus grandes des vacances, doux comme des oreillers ils murmurent sous la sieste. Et voilà Nicolas Bouvier publié in «Quarto», tout Bouvier, presque tout, en une seule main, tout en souplesse.
Nicolas Bouvier est né le 6 mars 1929 au Grand-Lancy près de Genève, mort à l'hôpital le 17 février 1998, et enterré à Cologny dans le cimetière municipal qu'un mur de pierres sépare de la maison de vigneron où il vécut, tout aussi près de Genève. Entre ces deux dates, Nicolas Bouvier exerça le douloureux métier de vivre. Il avait la bougeotte, le don des langues, de mauvaises jambes, le goût de rire et du bon vin, deux façons élégantes de noyer son chagrin, le chagrin de d