Quand Bernard Reviriego, 47 ans, attaché de conservation aux archives départementales de la Dordogne, petit-fils d'Espagnols émigrés en France en 1918, a écouté la requête d'Elie Barenfeld, 79 ans, fils d'un boucher casher russe émigré à Paris en 1931, il n'imaginait pas qu'il s'engageait dans une investigation qui obséderait trois ans de sa vie et s'achèverait par la publication d'une somme. Dans un livre d'un demi-millier de pages, l'archiviste décrit, avec la précision d'un procès-verbal, l'exclusion et la persécution des milliers de juifs réfugiés entre 1939 et 1944 en Dordogne lieu après lieu, rafle après rafle, nom après nom , révèle un bilan des victimes juives quatre fois supérieur à celui généralement admis et dont la police de Vichy est lourdement responsable, et reconstitue les biographies de plus de 1 600 juifs dont la survie ou la mort s'est jouée dans le département. Ce travail (1), que Serge Klarsfeld qualifie d'«exemplaire», s'appuie sur une mine d'informations inédites : les archives des services de la préfecture de la Dordogne sous Vichy. Elles dormaient à deux minutes d'ascenseur du bureau de Bernard Reviriego, dans les rayonnages des six sous-sols des archives départementales. C'est là qu'il est descendu au cours de l'été 2000 pour tenter d'élucider l'étrange requête d'Elie Barenfeld.
«Vive la République».
L'homme affirmait qu'il avait été interné dans un bâtiment de l'abbaye de Chancelade, près de Périgueux, le 2 août 1942, deux jours après avoir franch