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Libération
Critique

L'inconnue de la Commune

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André Léo s'appelait Victoire Léodile Béra, et passait pour un homme.
publié le 8 juillet 2004 à 1h23

Qui se souvient d'André Léo ? Même ceux qui ont sorti de l'oubli son oeuvre d'écrivaine, à la notoriété proche en son temps de celle de George Sand, exhumé son action dans le féminisme, dont elle fut depuis le second Empire une figure de proue, et son engagement communard, ont souvent écorché son patronyme. Derrière ce pseudonyme (les prénoms de ses jumeaux) se cache Victoire Léodile Béra, veuve Champseix. Les confusions sur son identité et son parcours la sauvent de la répression de la Commune : «le sieur André Léo», recherché par la police, a pu prendre la fuite, début d'un exil solitaire de vingt ans. L'éparpillement des archives, la non-réédition de ses livres et de ses articles, parus notamment dans le Siècle, ont empêché la transmission d'une réflexion exigeante en évolution constante ; elle est traversée par une approche originale de l'amour et de l'articulation entre égalité et liberté, elle affirme un refus de la violence et de la dictature, une défense des femmes (du plaidoyer pour l'éducation des filles à la revendication divorciaire), des peuples et de la révolution sociale. La richesse de la production et de l'action d'André Léo contraint à comprendre les raisons de sa disparition des mémoires. Aussi, une grande partie de cet ouvrage est-elle consacrée à la quête des traces, pour rétablir, en appui sur un impressionnant appareil de notes, la vérité de cette vie. Alors que nombre de femmes, actrices de l'histoire, ne doivent leur survie mémorielle qu'à leurs lien