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Libération
Interview

«On est comme enfermé dans le ciel»

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publié le 16 août 2004 à 1h46

L'écrivain argentin Juan Jose Saer, né à Santa Fe, a d'autant mieux écrit sur la Pampa, en particulier dans les Nuages (Seuil), qu'il y a vécu les onze premières années de sa vie. Ses parents étaient des catholiques syriens. Leurs familles s'installèrent dans les années 20 du siècle dernier. Lui-même est né en 1937 dans le village de Serodino, du nom d'un Suisse-Italien qui le fonda sur le trajet d'une nouvelle voie ferrée traversant la Pampa, à la fin du XIXe siècle.

Petite tentative de définition intime de la Pampa ?

Un mystique allemand du XVIIe siècle a défini le monde comme un ajout de rien à l'être. Cette phrase, pour moi, c'est la Pampa : dans son idée, pas dans ses accidents. Ce qui me touche en elle, c'est le vide. C'est la grande plaine où il n'y a rien ­ ce qui est faux, bien sûr, mais enfin, pendant des siècles, la Pampa a existé sans aucun de ses archétypes : vaches, chevaux, Indiens, gauchos. Jusqu'à sa conquête au XIXe siècle, on l'appelait d'ailleurs le Désert.

D'où vient ce nom, la Pampa ?

En fait, personne ne l'appelle ainsi. Pampa, dans la langue indienne, c'est la campagne, el campo. Mais quand on emploie le mot pampa, c'est pour évoquer un lieu mythique et poétique, devenu un lieu commun annexé par le tourisme. Lieu mythique : la Pampa est créée au XIXe siècle par la tradition gauchesque, puis criolliste (fondant le nationalisme sur des racines locales, alors même que la population est composée de vagues successives d'immigrants, ndlr).

D'une part, on se met à cultiver la plaine, et la Pampa devient un lieu économique. Elle l'est plus qu