A la première ligne, le héros a vieilli. Il pourrait rappeler le dernier plan de La Dolce Vita ; mais sans la mer, l’Italie, Mastroianni, ni l’élégance ni les plages. Claude Boudin est un archange déchu des nuits parisiennes et tropéziennes, un ex-androgyne gigolo devenu chauve et pauvre. Il a une quarantaine d’années et lit du Saint-François de Sales dans un bistrot de la porte des Lilas. Il vit à côté, dans un taudis. Il bricole, rêvasse, traîne, boit. Son corps ment, son coeur boite. Peu à peu, par réminiscences, surgissent des fantômes : les apparitions de sa jeunesse en fête. Certaines ont vieilli, d’autres sont mortes. C’est le temps perdu et mal retrouvé. L’Anthologie des apparitions est avant tout une délicate et cruelle anthologie des disparitions. L’apparition-disparition centrale est la soeur de Claude, sorte de petite jumelle noire, livrée comme lui à la nuit, à ses ogres, et à un étonnant psychiatre pédophile. Claude l’a aidée à se perdre ; par insouciance, par égoïsme, il l’a presque sacrifiée. Depuis, il prolonge sa vie comme un long tomber de rideau, un crépuscule de trop.
Paris est rempli de ces vieux adolescents âpres, entre deux âges, entre deux vies, entre deux rêveries plus ou moins mortes. Claude aime d'ailleurs les crépuscules, c'est comme s'il en faisait partie : «Lorsque la température le permettait, Claude regardait le crépuscule accomplir lentement son travail. C'était d'abord le premier plan qui était noyé dans l'ombre alors que l'horizon restait v