Le dessin s’anime, voici Art Spiegelman en trois dimensions, la clope au bec, mèche sur l’oeil, en gilet noir et chemise blanche. Tombé des cartoons qui ont fait le tour du monde avec Maus. Cette histoire de sa famille, rescapée d’Auschwitz, mêlée à de pénibles relations père-fils, fut un succès planétaire. Douze ans plus tard, Art Spiegelman dédicace de grands livres noirs : A l’ombre des tours mortes, sa deuxième grande oeuvre. Encore une histoire personnelle, perdue dans le chaos de l’histoire. Le 11 septembre 2001 à 9 h 15, Art et Françoise, citoyens de Manhattan, cherchent leur fille Nadja partie le matin au lycée. C’est le départ d’un récit enchevêtré, pessimiste, entre politique et psychanalyse, qui s’achève en septembre 2004, avec la convention républicaine. Un déluge de bottes de cow-boy s’abat sur Ground zero. Le cauchemar continue.
Cet art de mêler l'intime au cataclysme, et le texte au dessin, n'appartient qu'à lui. «Il part de l'histoire individuelle la plus anecdotique et lui donne une dimension universelle. Je ne connais pas beaucoup de gens capables de cette différence de focale», dit Benoît Peeters, l'ami dessinateur. «Le désastre est ma muse», dit souvent Art Spiegelman. Encore faut-il être spectateur de l'Apocalypse, ce qui n'arrive pas souvent. La Shoah a façonné son enfance «il a fallu que j'entre à l'université pour comprendre que tous les parents ne hurlaient pas la nuit» et a été son premier sujet, une torture pendant treize ans. La foudre Ben Lade