Un appartement dans le vieux Neuchâtel. On remarque en entrant la reproduction agrandie d'une gravure. C'est la petite ville de Köszeg, à la frontière autrichienne, dont Agota Kristof a fait le décor de ses premiers livres. Elle vit en Suisse depuis bientôt un demi-siècle. Au contraire des Suisses, elle est désormais «dans l'Europe», grâce à son passeport hongrois, et ça lui plaît bien.
Quelle est l'histoire de «l'Analphabète» ?
Ce sont des textes que j'ai écrits il y a quinze ans, en 1989 et 1990, juste après le Troisième Mensonge, quand je préparais le quatrième roman, Hier, et justement ça m'a empêchée d'avancer d'écrire ça, je ne pouvais pas travailler sur deux choses. J'ai eu une commande pour un an d'une revue culturelle de Zurich, Du. Je devais livrer un texte tous les mois. J'écrivais en français, le directeur de la revue traduisait en allemand. C'était très bien payé, ça faisait deux pages et demie tapées à la machine, je me suis dit: c'est rien du tout, et, en fait, c'était très dur. On m'avait dit que je pouvais écrire n'importe quoi qui ait un rapport avec la littérature. Je ne trouvais pas de sujets. Mais je pense que le directeur n'était pas très content. Il attendait que je parle de mes lectures, de temps en temps j'en parle, il y a Thomas Bernhard, parce que je l'ai adoré, mais je ne peux pas écrire des choses comme ça. Ça ne me vient pas, je peux écrire seulement ce que j'ai vécu, ou bien ce qui me vient par la tête.
Quelques personnes avaient