La reconnaissance d'un grand livre a quelques effets secondaires. La Tâche, de Philip Roth, a réveillé en 2002 des moutons qui ne lisaient visiblement pas ou peu ses précédents romans. Philip Roth est un excellent romancier en colère. Ses obsessions sont l'identité juive, la résistance morale et physique de l'individu aux coutumes et aux lois du groupe dont il est issu ou qui l'environne, la guerre et la passion entre les sexes. Malgré ses exceptionnelles qualités de conteur et son sens rare du plaisir et de la farce dans la narration, il est parfois bavard dans sa manière d'épuiser sa colère ; mais il a toujours su la transformer comme sa dépression en imagination. Aux moutons, cela ne suffit évidemment pas. Il leur faut brouter un pré d'une verdeur absolue. Ils ne cessent de bêler, avec ce sens scolaire et audiovisuel des distributeurs de prix, qu'il est le plus grand romancier américain vivant.
Trois livres de lui permettent aujourd'hui d'évaluer sans hyperbole la nature et l'étendue de son registre. Le premier, La bête qui meurt, est son nouveau et bref roman. Le deuxième, Parlons travail, est un recueil d'articles écrits par Roth sur d'autres écrivains de premier ordre avec qui, le plus souvent, il dialogue. Le troisième, la Contrevie, avait été publié en France en 1989 ; il fait l'objet d'une retraduction par Josée Kamoun. Elle est plus conforme à la grossièreté et au naturel travaillé, comme dans les romans picaresques, du langage de l'auteur. On y retrouve l'écriv