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Libération

Sévices de presse

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publié le 16 septembre 2004 à 2h09

Un des ouvrages de la rentrée (Ex-Libris, d'Anne Fadiman, Mille et Une Nuits) rapporte une très jolie anecdote sur George Bernard Shaw. Un jour, chez un bouquiniste, l'écrivain irlandais tomba sur l'un de ses livres portant cette dédicace : «A X avec toute mon estime, George Bernard Shaw.» L'auteur acheta l'exemplaire et le renvoya immédiatement à X avec cette dédicace supplémentaire : «En vous renouvelant mon estime, George Bernard Shaw.»

Il faut savoir qu'avant la sortie d'un livre, son auteur envoie des dizaines d'exemplaires dédicacés aux critiques ainsi qu'à diverses personnalités influentes, dont on peut espérer un écho favorable. Cela s'appelle «faire un service de presse», et c'est un rude travail. Il faut savoir aussi (mais on peut s'en douter) que la plupart de ces exemplaires ne sont jamais ouverts. Pire : certains sont revendus illico à des soldeurs. C'est ainsi qu'à chaque rentrée littéraire, on trouve chez Gibert, boulevard Saint-Michel à Paris, la plupart des nouveaux titres au rayon «occasions», quelques heures à peine après leur arrivée en librairie, quand ce n'est pas avant... Evidemment, le destinataire du livre prend soin de faire disparaître la page de dédicace du livre (ou simplement son nom) avant de refourguer son exemplaire. Et, s'il ne le fait pas, Gibert s'en charge. Cependant, il arrive que la dédicace survive à ce double filtrage. Appelons ça un accident. Nous sommes donc partis à la pêche. Elle s'est révélée assez fructueuse. Chère Anne Weber, l'