Belle époque pour la fiction que la Belle Epoque ! Explosant comme un feu d'artifice, le roman se voue à toutes les contraintes. Tandis que le narrateur descend en rappel vers les profondeurs de sa mémoire, les héros, un brin siphonnés des interminables romans-poèmes de Raymond Roussel, s'égarent dans le labyrinthe. Les enfants terribles et gouailleurs des livres de Gyp se paient la fiole des adultes, ne laissant guère de répit aux cuisinières plongées dans la lecture des intrigues de Delly. De 1900 à la Grande Guerre, notre littérature, très libre de ses mouvements, se réinvente . Mais il est un domaine où elle risquerait bien de s'asphyxier, c'est celui du roman populaire, encombré de trop de tireurs à la ligne.
Initiateur du roman judiciaire, Emile Gaboriau, secrétaire de Paul Féval, a donné des idées à Conan Doyle qui sévit à présent des deux côtés de l'Atlantique avec son Sherlock Holmes. Un éditeur français, Pierre Lafitte, décide pourtant de lui résister. Il demande à un jeune auteur plutôt chic, enjoué et ironique, de créer un aventurier dont il publiera les exploits dans son magazine Je Sais Tout. En juillet 1905, Arsène Lupin entre en scène. Leblanc en fait un funambule de la fiction, introspectif sans en avoir l'air, amateur de codes chiffrés comme dans Roussel, loustic à la façon des gamins de Gyp et capable de faire pleurer dans les chaumières.
Une série de nouvelles réunies sous le titre Arsène Lupin gentleman-cambrioleur paraît en juin 1907 avec une préface de l