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Libération
Critique

Vive le général Jauffret

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De Gaulle a échappé à l'attentat du Petit-Clamart, mais pas à la fantaisie de Régis Jauffret.
publié le 23 septembre 2004 à 2h14

En 1965, trois gamins de Marseille décident de rendre visite au général de Gaulle. Elèves d'un collège religieux, ils filent à l'heure de la «récollection du père Maurin». Leur retraite ne sera pas spirituelle, mais onirique ; de Gaulle y remplacera Dieu. Ils ont dix ans, ils l'admirent, ou plutôt ils admirent en lui leur imagination. L'un s'appelle Gabriel Vincenti ; le deuxième, Corentin Tuilat ; le troisième, Régis Jauffret.

Régis Jauffret est bien né à Marseille en 1955. Il est possible qu'il ait alors rêvé, comme tant d'autres, du général de Gaulle. Entre-temps, il est devenu écrivain et c'est ce rêve, ou ses possibilités, qu'il reconstitue, réinvente ou imagine dans son nouveau livre, puisque, comme l'indique le titre, l'enfance n'existe pas : elle est un rêve d'enfant, c'est-à-dire d'écrivain. L'écrivain voyage dans l'enfance, «éternelle comme une matinée de juillet, si claire, si éclatante, qu'aucune après-midi, aucune nuit ne la suivra jamais (...) Je serai toujours là-bas, l'enfance est un lieu, ce n'est pas une époque».

Depuis la mort de Mitterrand, de Gaulle tient la corde des pendus admiratifs. Des essayistes et des journalistes vénèrent ou brûlent son image. Des romanciers qui vieillissent content leur jeunesse sous son chêne, entre ironie et réalisme sociopsychologique. Chez Jauffret, rien de tel : de Gaulle devient une machine à fabriquer les images et les mots, une sorte de grand masturbateur. Il est comme tous les personnages que l'écrivain dévore : une matri