«Nous sommes ici pour le bifteck, nous n'en sortirons pas pour des haricots !» En 1936, les usines Hispano-Suiza ont arrêté de fabriquer des voitures de rêve pour grands bourgeois. C'est la grève. Et, dans l'album photo de la famille Scheck, on voit le père, ouvrier métallurgiste, vendre le Libertaire, et les occupants de l'usine de Bois-Colombes poser avec leurs fanions à faucille et marteau. Monique, la fille du «colporteur», a confié ces images aux auteurs de l'Album photo des Français. 1914 à nos jours. L'ouvrage, formidable, rassemble 270 clichés amateurs, tirés de plusieurs dizaines de fonds, et retrace l'Histoire comme elle a pu être vécue par des particuliers. Les guerres dominent, ce n'est pas une surprise. D'abord celle de 14-18. Les appareils photo étaient nombreux dans les tranchées. Les albums, fierté et ciment de la mémoire des familles, ont des titres. Exemple : «Souvenirs de la campagne 1914-1915». Les images sont légendées à la main : «Nos poilus surveillant l'ennemi...» Et des croix ou des ronds à l'encre sur certaines photos permettent d'identifier les uns et les autres. Une image fait sourire : celle de trois chasseurs alpins, tenant par le bras une Lorraine et une Alsacienne, en tenue folklorique. Une illustration littérale du slogan : «Rendez-nous l'Alsace et la Lorraine.» C'est d'ailleurs le cas, puisque la photo a été prise juste après l'Armistice. «Voilà les os sauvés et la vie rêvée qui va commencer», écrit Pierre Vigne, l'un des soldats.

De la guerr