Peu après le début du livre, Adir se surprend à «regretter que sa soeur soit morte de la grippe saoudienne et non des suites d'un attentat. On ne pouvait rien écrire de dramatique sur le faire-part, comme "Dieu la vengera"». Il tient néanmoins à ce que la semaine de deuil se passe dans les règles, il faut de la cuisine traditionnelle. «De la cuisine juive insipide, tu te souviens ?, demande-t-il à Iris. Insipide dans le sens de popote. Quelque chose de chaud, de maternel. Soupe, schnitzels et purée ?»
Peut-on dire que l'histoire se passe en Israël, ou est-ce seulement un pays qui ressemble à Israël ? En tout cas, c'est l'hiver et rien ne va plus, même la mer Morte est désertée depuis «l'assassinat d'un touriste finlandais atteint de psoriasis et victime de francs-tireurs embusqués». En plus d'une crise économique sans précédent, il y a une succession ininterrompue d'attentats, le fil rouge du roman, c'est cette image surréaliste à force d'hyperréalisme du président Tekoa dans sa voiture, éternellement en transit entre un cimetière et un hôpital. Il y a aussi ce froid polaire qui a envahi la région : la mer gèle à Eilat, l'Egypte s'est déclarée zone sinistrée, mais pas la Palestine, «le président de l'Autorité palestinienne s'abstenait de déclarer les territoires zone sinistrée, à cause de leur statut politique indéterminé». Et il y a cette mystérieuse grippe saoudienne, qui envoie la moitié de la population à l'hôpital, comme une nouvelle plaie d'Egypte.
Orly Castel-Bloom, 4