Francfort envoyé spécial
En Afrique, on dit «bonjour, comment ça va avec la douleur». En arabe, on devrait dire «bonsoir, comment ça va avec le malheur». Le malheur arabe se porte bien, merci. La semaine dernière, il s'est arrêté à Francfort, le temps de la plus grande foire du livre au monde. Chaque année, Francfort invite un «hôte d'honneur». En règle générale, il s'agit d'un pays : l'année prochaine, par exemple, ce sera la Corée. Comme chacun sait, le «mondarabe» est un pays à soi tout seul dont les habitants partagent une langue commune, un passé aussi doré que leur présent est troublé et leur avenir sombre. Malgré les règles d'airain de l'algèbre, dont les Arabes sont pourtant les inventeurs, le tout du «mondarabe» vaut bien plus que la somme de ses parties. Donc, plutôt que de risquer de froisser les vingt et une autres tribus du «mondarabe» en n'en invitant qu'une seule, les organisateurs de la Foire de Francfort ont préféré embarquer tout le monde dans la même galère. Pour tenir le gouvernail de ce bateau ivre, ils s'en sont remis à l'instance officielle censée représenter le monde arabe, la Ligue arabe. Comme le «mondarabe» est un tombeau des illusions, la «Ligarabe» est un cadavre encombrant.
Habituée par une longue fréquentation des régimes autoritaires qui la composent, la «Ligarabe» a dressé des listes, savamment pondérées du poids politique, économique, culturel et religieux de chacun des pays : listes d'intellectuels et écrivains à inviter, listes des thèmes à