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Libération
Critique

En dansant la polonaise

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Par le cinéaste Zulawski, le roman acerbe de l'intelligentsia polonaise.
publié le 18 novembre 2004 à 3h04

Des voix de personnages radicaux et solitaires, artistes ou écrivains, doubles plus ou moins affichés de l'auteur, s'élèvent de temps à autre dans la littérature contemporaine. Aucune ne ressemble à celle de Jan Nossakowski, compositeur polonais, narrateur du nouveau roman de Zulawski, actuellement plus connu en France comme cinéaste (L'important c'est d'aimer, la Femme publique), mais c'est en passe de changer.

Le sexe et la mort, l'art et le pouvoir occupent le monologue de Comme un rien, l'assèchent, le nettoient. Ce n'est pas là dégoût pour les digressions ni pour la volupté du ressassement. Ce n'est pas non plus du cynisme. C'est l'équivalent littéraire d'une supériorité sociale : «Le rôle traditionnel de l'aristocratie n'est pas d'être dans la misère, ni hors du coup, ni d'imiter ­ sauf peut-être soi-même. Etre un seigneur autorise un subtil je-m'en-foutisme et une inattention aux circonstances défavorables.» Aucun attendrissement pour les contingences. Aucun infléchissement vers la si désirable mélancolie. Pas de nostalgie, bien sûr. Nous écoutons là la voix d'un intellectuel de l'Est. Une voix calcinée, un intellectuel carbonisé. Le livre est hanté par la dépouille d'un enfant juif, mort coincé dans une cheminée.

Nossakowski est né aristocrate. Il est comte, apparenté à la reine des Belges et à toute l'Europe coiffée de couronne ou de mitre. Un cousinage le relie à la belle-soeur du président des Etats-Unis. Son père, naguère à la tête de cent trente mille hectares de