Que le corps humain ait quelque chose d'une machine, Descartes, parmi d'autres, n'a pas attendu le XIXe siècle pour le penser. Il revient en revanche au siècle qui a découvert les deux lois de la thermodynamique d'en avoir établi le fonctionnement, en montrant que l'automate en question carburait à l'énergie. Du même coup, le travail en ce qu'il définit justement la transformation de la chaleur en énergie vient à se trouver au centre de l'univers comme de la société. Mais les enthousiasmes laissent vite la place au souci, car l'énergie a un coût et, surtout, décroît, annonçant la fin par entropie d'un monde que l'homme ne pourra aucunement contrecarrer, aux prises avec son propre épuisement. Dans le Moteur humain, Anson Rabinbach retrace cette révolution, en étudiant les multiples imbrications, comme l'indique le sous-titre, entre «l'énergie, la fatigue et les origines de la modernité». Susceptible d'inaugurer une manière novatrice de faire de l'histoire culturelle des sciences, ce livre éblouit déjà le lecteur par la capacité de l'auteur à exhumer un corpus à vrai dire faramineux, dont on avait perdu jusqu'à la trace. Anson Rabinbach, professeur d'histoire européenne moderne à Princeton, directeur d'études à EHESS à Paris en 1998, épate aussi par les passerelles parfois inattendues qu'il échafaude entre l'histoire, la sociologie, la psychanalyse, la science du travail, la littérature, les arts...
A partir du milieu du XIXe siècle, le vocabulaire énergétique s'impose à to