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Libération
Critique

La vodka de la défonce

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A la lecture des invités des«Belles Etrangères», la poésie russe se porte beaucoup mieux que le roman.
publié le 18 novembre 2004 à 3h04

Ça ne traîne pas : dès la première ligne de la Soif d'Andreï Guelassimov (1), il est question de vodka, et en quantité : tout un frigo. C'est ce qu'il faut à Kostia, le narrateur, pour supporter sa gueule, ravagée lorsqu'en Tchétchénie, son tank fut victime d'une attaque de boïviki. La plume de l'auteur suit les déambulations chavirées de Kostia. La vodka adoucissant les transitions, on passe de sa voisine Olga qui vient le voir pour que sa gueule à faire peur calme son chiard, à une virée dans le passé chez un directeur d'école qui achetait sa vodka par caisse et qui, le premier, comprit que Kostia était doué pour le dessin. Eclopé de partout, il échoue chez un père remarié qu'il n'a pas vu depuis belle lurette et finalement retrouve un brin d'humanité en partant en vadrouille avec les troufions qui étaient avec lui dans le maudit tank. Des fieffés buveurs, sûr. Un roman en forme de toast : «à la vie tout de même». A la dernière page, en attendant Olga, Kostia garde son chiard. Mais sa tronche horrible ne fait plus peur à l'enfant qui sait qu'il n'est pas «méchant». Alors, Kostia, enfin, dessine sa propre gueule.

Nikolaï Maslov la dessine aussi sa gueule, tout au long d'une BD qui raconte Une jeunesse soviétique (2), la sienne. Celle d'un jeune paysan des années 70 né dans un village de Sibérie. Ses rêves (Paris), les jeux d'ados avec son frère, son départ à l'armée (Mongolie soviétique), le boulot sur des chantiers dans la taïga avec son frère, le départ pour une école d'ar