Christine Angot vit en littérature. C'est sa croix. Il ne lui a pas suffi de publier un livre (les Désaxés) cet automne. Il lui a fallu, immédiatement après, en écrire un autre (Une partie de coeur) pour commenter le premier. Plus exactement pour protester contre ces gens qui «s'invitent dans mon livre, en disant Untel c'est moi, elle c'est elle». Alors que non, elle, ce n'est pas elle, pas plus qu'hier, dans ses livres précédents, le «je» du narrateur n'était «moi», Angot. Car, souvenez-vous rimbaldiens, «Je est un autre», «je» est un point de vue, une position de caméra. Bref, ce genre de choses.
Comme tout cela n'était toujours pas suffisant, Angot montait lundi soir sur la profonde scène du Théâtre de la Colline, à Paris, pour y lire des extraits des deux ouvrages. La salle était pleine comme un oeuf. Il y avait là des gens qui ressemblaient à des gens qui lisent des livres, des vrais, ceux d'Angot en particulier. Jeunes, vieux, abandonnés, amoureux. Sans doute se plaisent-ils à caresser dans la littérature d'Angot, chirurgienne un peu pressée qui ouvre plus de plaies qu'elle n'en suture, les reliefs de leurs propres cicatrices. Ou quelque chose d'approchant.
Angot et son trouble dissociatif de l'identité. Eh bien, qu'elle vienne, qu'elle pose tout en vrac sur la scène, et on l'aiderait à faire le tri. Mais qui allait se pointer ? «Je», «moi», Angot ? «Nous», peut-être ? On la voyait assez bien s'asseoir à la petite table de bois blond posée sur le devant de la scène et no