La tête, c'est de l'os, du cartilage, de la matière qu'on dit grise, du muscle, du sang et des nerfs. Aux dires de Platon ou d'Aristote, elle est la «partie la plus divine» du corps, qui règne «sur toutes les autres parties» : aussi le tronc, et les membres «qu'on peut étendre ou courber», semblent-ils des «instruments fabriqués par un dieu pour assurer son transport» et hisser au plus près du ciel la «partie rationnelle de l'âme», dont le siège est le crâne. Mais une tête n'est-elle pas aussi de chien, de léopard ou de cochon ? Une tête d'animal s'oppose, s'il en a une, à la queue : le cheval qui se retourne brusquement fait un tête-à-queue quand l'homme, s'il agit de même, fait une volte-face. La face n'est pas toute la tête, et on peut perdre l'une sans perdre l'autre. Le faciès est la partie antérieure de la tête, celle qui, justement, fait face au monde, le hume, le mange, l'appelle, l'écoute, le voit. La bête, à ce compte-là, pourrait également avoir un faciès, mais on lui attribue plutôt une gueule, et un faciès de singe n'est jamais d'un singe. Ce qui est sûr, c'est qu'à l'animal on ne donne jamais un visage, bien qu'il ait des yeux et que le visage, visus ou prosôpon, soit justement «ce qui est devant les yeux», «ce qu'on présente à la vue» ou «ce qui est vu». Le visage est le propre de l'homme il est même l'attestation de son humanité, comme le montre Sylvie Courtine-Denamy dans le Visage en question.
Philosophe, spécialiste de Hannah Arendt (1) et de Hans Jonas