Au moment de l'Anschluss, quand elle entame son journal, Macha a 15 ans. Ses soeurs, Dolly et Olga, 13 et 11, commencent le leur en 1943-44. Ces Journaux cachés, chronique de cinq années de conflit mondial vécues entre l'Autriche et la Silésie, reposent en majeure part sur la contribution de l'aînée. Ce sont des demoiselles de bonne famille : Razumovsky par leur père (descendant d'une famille nobiliaire d'origine russe établie en Autriche depuis le XVIIIe siècle), et Sayn-Wittgenstein par leur mère, princesse russe chassée par la révolution bolchevique.
«Il faut reconnaître que nous étions privilégiées»,résume rétrospectivement Macha en évoquant, en préface, la vie de ses parents qui, passant l'hiver à Vienne pour la scolarité des enfants, exploitaient le domaine tchèque de Schonstein, sur lequel la famille allait se replier. La maison est ouverte aux cousins et parents de toute l'Europe centrale, comme aux exilés. Jeunesse privilégiée, donc, mais entachée de «métissage» au regard des typologies du Reich. Apprenant, en 1938, que sa grand-mère Razumovsky de Wigstein était issue de la haute bourgeoisie juive, Macha ne ressent d'abord que la contrariété de ne pouvoir intégrer l'Union des jeunes filles allemandes («où on s'amuse bien»). Il lui faudra quelques mois pour prendre la mesure des discriminations qui lui barrent toute formation universitaire, vouent les siens à la peur et conduiront bientôt son père à un emploi forcé de manoeuvre dans une usine de sacs de jute. Dès le d