L'Ivoirienne Jeanne Gervais, première députée du Parlement, la Guinéenne Jeanne-Martin Cissé, première femme ministre d'Afrique, les Sénégalaises Caroline Dioup, ministre et présidente du Mouvement national des femmes, Mariama Bâ, romancière , Annette Mbaye d'Erneville, journaliste... ces femmes de renom ont un point commun : elles sont d'anciennes «legoffiennes», comme ces anonymes qui accueillent à l'aéroport de Dakar, le 11 décembre 1976, leur enseignante d'autrefois, venue de France inaugurer l'école normale à son nom. «Ses filles» veulent dire à leur «maman Le Goff» leur dette : elle leur a donné l'enseignement nécessaire à leur formation professionnelle, tout en leur faisant prendre conscience de leur identité africaine et en incrustant en elles l'amour de leur pays. Toutes ont appris de cette Bretonne, arrivée en Afrique en 1923, que «la femme noire en AOF, protégée par le pays des droits de l'homme, ne pouvait pas continuer à vivre dans l'obscurantisme et la servitude qui en découle». Liberté et responsabilité sont les deux mots-clés de la pédagogie de Germaine Le Goff.
Rien ne prédisposait la jeune Le Bihan à ce destin exceptionnel. C'est dans un Finistère au climat et à la pauvreté rudes que se déroulent son enfance et sa jeunesse, au sein d'une famille de dix enfants, tôt orphelins de père. L'adolescente a déjà le regard rivé vers un horizon qu'elle trouve borné, convaincue qu'«il y a quelque part des pays merveilleux jamais vus». Dans cet environnement sans grande