Concernant l'école, comme en d'autres domaines et champs, Pierre Bourdieu (1930-2002) n'en était pas à une contradiction près, frôlant parfois l'aporie. Aussi a-t-il pu, d'une part, batailler sa vie durant contre la skolé, ce savoir scolastique qui ne fait que reproduire ses schèmes interprétatifs hérités sans jamais se confronter à la réalité sociale vivante et, d'autre part, avec la même énergie, oeuvrer à la constitution d'une véritable école en vue de perpétuer dans l'enseignement et la recherche (et au-delà si possible) sa propre sociologie. A aucun moment, cette entreprise ne s'est fondée sur un quelconque culte de la personne, soucieuse qu'elle était de prouver, de manière très didactique, qu'il ne peut y avoir de science que collective et donc produite par un collectif. N'empêche, l'emprise de Bourdieu était très large et même incomparable parmi les sociologues de sa génération, comme en témoignent, deux ans après sa mort, trois recueils d'articles et un essai à quatre mains. A un titre ou à un autre, les auteurs participent tous de l'école de Bourdieu, même ceux qui n'en faisaient pas partie. En effet, l'influence d'un maître se mesure au nombre et à la qualité des élèves directs et des disciples indirects, mais aussi de ses collègues et pairs, qui en ont reconnu la maîtrise, quitte à ferrailler sur un point ou sur un autre souvent décisif, tout en lui témoignant la plus grande estime et, parfois, une émouvante amitié.
Les choses sont ainsi faites que Pour une histoi