«Dans le ciel, la torpeur, divine et satisfaite, du Parfait indifférent que plus rien ne distrait. Sur la terre, les hommes. Toi et moi, cher lecteur.» Le «moi» est Julien Offroy de La Mettrie, qui commence ainsi la rédaction de ses souvenirs. Médecin et chirurgien, il vient d'aider une mère dans son oeuvre sanglante et déchirante («La tête approche, s'annonce au col, et c'est là tout notre destin. Se hausser du col pour faire valoir l'esprit quand le reste du corps demeure à la traîne») avant d'emprunter de nuit le chemin des remparts de Saint-Malo . Un «vain badinage» occupe les pensées du philosophe. Autre philosophe d'un autre siècle, Xavier Mauméjean, né en 1963, s'est saisi de la trajectoire et des idées de ce turbulent Malouin du XVIIIe pour bâtir une uchronie. Le choix est bon. La Mettrie a du tempérament, il est connu pour être l'auteur de l'Homme-machine, publié anonymement en 1747 et qui lui valut d'être banni de Hollande, après l'avoir été de France. L'Homme-machine, expression du matérialisme athée du siècle des Lumières, postulait que la pensée résulte de l'organisation corporelle et, en particulier, du cerveau, «ressort principal de toute la machine». Exit le dualisme corps-âme, exit la Providence. «Le Parfait indifférent», l'horloger voltairien mis au rancart, l'homme n'a plus que le rang d'animal supérieur. On comprend que l'impie n'ait pas trouvé grâce. Quant à son ennemi Voltaire, il se retrouve traité de lèche-cul dans la Vénus anatomique.
Des remparts de