Son nom a une fois de plus circulé cet automne, à quelques jours de l’attribution du prix Nobel de littérature. Un éditeur réputé bien informé le donnait gagnant. Perdu. Comme en 1988, année où Naguib Mahfouz, romancier égyptien, le décrocha, ce dont il ne se serait jamais remis selon certains. Il le nie avec vigueur, espère toujours. L’un des plus grands poètes arabes vivants avec le Palestinien Mahmoud Darwich, mais aussi un des moins accessibles, Adonis serait au monde arabe ce que Joyce est à l’Irlande : tous le connaissent, très peu l’ont lu, encore moins l’ont compris. Célèbre en Orient, populaire en Occident où ses prises de position critiques à l’égard d’une société arabe «en pleine décomposition» sont bien accueillies.
Ne seraient-ce ces envolées sur les rapports Orient-Occident, Adonis, qui a révolutionné la poésie arabe en utilisant les vers libres, semble resté figé dans les années 50. Il fixe rendez-vous au Café de Flore ou aux Deux Magots à Paris, comme au temps des rencontres avec Prévert ou Aragon, allume un énorme cigare en précisant qu’il ne sent pas mauvais. Adonis vit en France, mais ne semble rien connaître de la société, excepté qu’il adore la «liberté mouvante des Français». Que pense-t-il du rap ? «J’aime bien Michael Jackson.» Il fréquente des peintres, des intellectuels orientaux, le cercle de la poésie française... A bien essayé l’ordinateur – «ça m’a pris trop de temps, les e-mails tout ça...» Habillé de noir, le cheveu