Menu
Libération
Interview

Leslie Kaplan L'accès, l'usine

Article réservé aux abonnés
Entretien autour de «Fever» et autres passions.
publié le 6 janvier 2005 à 23h27
«Fever» est un livre sur l'adolescence. Pourquoi aviez-vous besoin d'un meurtre, et de l'associer au génocide ?

Beaucoup de questions en même temps me trottaient dans la tête, certainement l'adolescence et la violence, mais aussi la question du crime, de l'extermination, du silence autour de ça, et tout s'est noué dans l'idée que les adolescents pouvaient en être issus. Ils sont passeurs de ce trauma. L'idée qu'un crime se transmet inconsciemment de génération en génération, oui, je pense que je pourrais le dire de façon générale. Le crime et aussi le silence sur le crime. Pierre, issu de la famille où l'extermination a eu lieu, est de plus en plus horrifié par le silence de la société française. Pèse extrêmement lourd la question de l'effacement. Quand, dans une famille, il y a eu un ancêtre menuisier et que la famille, devenue bourgeoise, en a honte, n'a pas voulu en parler, il est possible que le descendant devienne marteau.

Chacun des personnages a un lien très fort avec ses grands-parents. Etait-ce votre cas ?

J'ai surtout connu ma grand-mère maternelle, les autres sont morts très vite, nous allions chez elle l'été quand nous retournions aux Etats-Unis. Je suis née en Amérique, comme mes parents. La partie de ma famille restée en Europe a subi l'extermination. Des deux côtés, c'étaient des juifs polonais qui ont émigré à l'époque de mes grands-parents. Ensuite, mes parents sont revenus en Europe. Mon père était diplomate, très jeune il a fait le débarquement, à partir de l'Afrique du Nord. Le silence était très présent dans ma famille. Il était clair que nous étions juifs américains en France, c'était dit, mais l'histoire de ça, de l'extermination, on n'en parlait pas