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Libération
Critique

Modiano, délivré de famille.

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L'autobiographie des 20 premières années de l'auteur de «la Place de l'Etoile».
publié le 6 janvier 2005 à 23h27

Vous qui avez lu les livres de Patrick Modiano, vous surtout qui avez lu tous les livres de Patrick Modiano, vous recevrez celui-ci comme un aveu, une catharsis, une douleur, une douleur apaisée, un cadeau, un trousseau de clés inutiles pour une oeuvre aux portes grandes ouvertes, comme la poignée de hasard des petits cailloux noirs qu'il aurait semés sous lui, enfouis, sous la terre et le goudron, dans l'espoir de ne jamais revenir, de ne jamais se retourner sur son fantôme, ces cailloux ont germé comme des cives sous les pas abusés et désabusés de ce chaland nonchalant des rues de Paris : vingt romans imparables. Vous qui avez lu tous ses livres, vous recevrez celui-ci comme un viatique, le bagage et les gages nécessaires pour reprendre tout le voyage, de la Place de l'Etoile à Accident nocturne. Vous saurez mettre des noms propres sur des visages aux noms d'emprunt, vous saurez que les vrais noms s'empruntent autant que les faux, que les passeports s'échangent comme au bonneteau, vous saurez rectifier de peu quelques noms de lieu, vous saurez pourquoi tout a commencé bien avant de naître, que la guerre qui précède notre venue au monde est notre propre guerre, vous saurez pourquoi un enfant meurt (vous ne saurez pas de quoi), pourquoi une automobile peut renverser un chien, un homme, pourquoi les cafés sont tristes à la Porte d'Orléans, et les silhouettes solubles dans le brouillard, pourquoi ne pas trop compter sur ses parents, et ne pas leur en vouloir. Et vous serez bie