Ecrivaines, écrivains, si vous pensez que votre oeuvre a une quelconque chance de passer à la postérité, veillez à consigner avec la plus grande précision vos goûts, opinions, obédiences et pratiques masturbatoires. Sans quoi d'autres s'occuperont de vous en prêter, post mortem. Regardez ce qui arrive au pauvre Jules Verne. La marée de papier qui salue le centième anniversaire de sa mort charrie les thèses les plus inattendues et les voyages les plus extraordinaires. Dans son dernier numéro , la revue Europe nous invite par exemple à considérer cette question : «Jules Verne était-il de gauche ? Etait-il de droite ?». Après examen de l'affaire en 14 pages et 41 appels de notes, l'auteur de l'article, Jean Chesnaux, répond en substance : les deux, mon capitaine (Némo). Le questionnement n'est certes pas illégitime. Francis Lacassin lui-même avait d'ailleurs déjà parfaitement répondu, tel que résumé par Chesnaux : «Le conseiller municipal d'Amiens avait accepté l'envoi de Dreyfus à l'île du Diable, le romancier ne pardonne pas au tsar les bagnes de Sibérie.»
Quelques pages plus loin explose cette bombe : «Jules Verne, auteur érotique ?». C'est cette fois une proposition originale de Marc Soriano, pointure éminemment respectable de l'analyse littéraire. Mais il apparaît que le point d'interrogation n'est là que pour faire joli. Car Verne ne pensait qu'à ça, comme cet autre vieux cochon barbu de Hugo. Relisez De la Terre à la Lune, nous dit-on. Cette histoire de canon et d'obus, c