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Libération
Critique

Chronique de catastrophes annoncées.

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Les tremblements d'un temps ballotté entre arrêt et implosion: un essai de Paul Virilio sur «l'Accident originel».
publié le 20 janvier 2005 à 23h48

«Catastrophe à la fois naturelle et artificielle, catastrophe générale et non spécifique à telle ou telle technologie, ou à telle ou telle région du monde, qui dépasserait de loin les sinistres actuellement couverts par les compagnies d'assurance...» Ces lignes, Paul Virilio les a écrites dans l'Accident originel bien avant le tsunami mais c'est tout comme et même pire, vu ce qu'elles annoncent de ruines et déferlements à venir. En effet, à prendre de la vitesse, il n'y a pas que l'onde océanienne, mais le temps lui-même qui connaît une accélération foudroyante, ballotté désormais entre arrêt et implosion : «A l'accident tellurique du tremblement de terre succède le séisme d'un tremblement du temps, de ce temps mondial qui efface toute distance. Dans le soudain télescopage d'événements successifs devenus simultanés, c'est l'étendue et la durée qui s'effacent.» Comme Virilio ne cesse de le dire depuis un quart de siècle, plus la vitesse est grande, plus grands sont les risques et les effets de l'accident. Mais, s'il est écouté, il a l'impression de ne pas être entendu. Or, ce qu'il veut, ce n'est pas qu'on prenne au sérieux ce qu'il écrit (Deleuze avait salué la parution de Vitesse et Politique, dans une note fulgurante de Mille Plateaux) mais l'accident lui-même. Au sérieux et non pas au tragique, car si Virilio pose les prémices de ce qu'il appelle une «eschatologie», une science de la fin et des fins, il n'annonce ni l'apocalypse ni le salut du monde, travaillant simplemen