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Libération
Critique

La marche turque de l'Origine

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Le turc Enis Batur s'est penché sur la création et les diverses aventures du plus sulfureux tableau de Courbet.
publié le 20 janvier 2005 à 23h49

C'est désormais un tableau culte, aussi connu que la Joconde, pres-que aussi souvent reproduit, aussi galvaudé dans d'innombrables interprétations et, comme la célèbre toile de Léonard de Vinci, placé derrière une épaisse vitre depuis son exposition au public au musée d'Orsay en juin 1995. Selon le catalogue, la toile représente «le ventre et le sexe brun-roux d'une femme, les cuisses écartées et le torse renversé». Une description basique de l'Origine du monde de Courbet, oeuvre unique en son genre. Après tant d'autres, le romancier et essayiste turc Enis Batur fut fasciné. Revendiquant sa proximité intellectuelle avec Umberto Eco, ce maître dans l'art de la digression narre en ce nouveau roman mosaïque le grand étonnement suscité en Occident par cette toile sulfureuse. Elle incarne en effet une véritable rupture dans l'histoire de l'art occidental. Par son sujet. Par sa manière. «En osant peindre son morceau de chair, Courbet a rendu possible le démembrement des corps qui sera à l'oeuvre au XXe siècle des Demoiselles d'Avignon aux portraits de Francis Bacon», souligne Michèle Haddad, auteur de plusieurs ouvrages incontournables sur l'art de Courbet et sur l'Origine du monde.

Peinte vraisemblablement en 1866, cette oeuvre fut pendant plus d'un siècle cachée par ses propriétaires successifs. Son commanditaire, Khalil Bey, ambassadeur ottoman à Paris, grand viveur et grand flambeur devant l'Eternel, l'avait installée dans sa salle de bains, la voilant derrière un rideau vert.