Nul ne voit la scène qui le fit.» Puis, à la ligne, avec l'habituelle emphase de sobriété : «Nul ne voit la scène qui le défera.» Vie intra-utérine, désagrégation : c'est pour approcher ces deux états, mais aussi les renoncer, puisque nul n'y aura jamais accès, que Pascal Quignard semble avoir écrit ces deux livres, et peut-être les autres.
Les Paradisiaques et Sordidissimes sont les suites IV et V, en chiffres romains, d'un ensemble baptisé «Dernier royaume». Les pièces I (les Ombres errantes), II (Sur le jadis) et III (Abîmes) ont paru en 2002 dans la même collection. Elles lui valurent un prix Goncourt contesté par les professionnels du grand public. D'autres volumes devraient suivre.
Comme dans les trois précédents livres, Quignard compose une sorte de fugue. Il cherche à se bâtir un royaume et à mettre en scène sa construction. Ce royaume est celui du lecteur et de l'écrivain comme pharaon dans sa belle tombe, dernier Indien préhistorique, ultime spécimen d'un monde qui n'existe plus (et n'a peut-être jamais existé). Le chapitre XLVIII (48) des Paradisiaques évo-que une tribu amazonienne découverte en 1998. Elle n'a jamais eu de contact avec le reste des hommes. Des miradors ont été disposés loin autour d'elle, pour l'isoler. Quignard écrit : «Pour arriver à la tribu il faudrait naviguer des semaines durant en empruntant des rivières qui sont ignorées.»
Pour arriver au monde que Quignard fantasme et reconstitue, il faut également emprunter des rivières ignorées. Ce monde n